Des électrophorégrammes à la phylogénie

L'analyse des électrophorégrammes

-Les gels obtenus en TP montrent que chez les vertébrés étudiés (lapin, porc, morue...), il y a 5 molécules de LDH différentes . La quantité de chacune d'entre-elles varie avec les organes. Les 5 molécules ont bien l'activité LDH car elles sont révélées par la réaction enzymatique qu'elles catalysent mais elles diffèrent suffisamment pour permettre leur séparation par électrophorèse.
-Les autres gels proposés (homme, bactérie, plante...) peuvent être utilisés à un moment ou à un autre de la progression pédagogique.

La découverte de l'existence des isoenzymes

-En quoi les molécules de LDH synthétisées par un vertébré (lapin, porc, homme, morue...) diffèrent-elles ?
Pour répondre à cette question, les élèves doivent disposer d'un modèle moléculaire 3D (voir page introductive) qui montre la constitution tétramérique de la molécule de LDH et de données biochimiques complémentaires. Ils peuvent ainsi découvrir que les 5 molécules sont en réalité constituées à partir de 2 chaînes M (A) et H (B) et que la sous-unité M est préférentiellement synthétisée dans le muscle squelettique alors que la sous-unité H l'est dans le coeur.
Il ne sera pas ici question de la chaîne C (X) car elle n'est pas présente dans les molécules de LDH séparées en TP.

-Les chaînes M et H sont-elles codées par les allèles d'un même gène?
La comparaison par alignement (Phylogène) des séquences protéiques des chaînes M et H chez le porc ou chez l'homme montre trop de différences pour qu'elles puissent correspondre à des protéines codées par les allèles d'un même gène.

Alignement partiel des séquences protéiques (à gauche l'extrémité -NH2, à droite l'extrémité -COOH) et % de différences.

Les chaînes sont donc codées par des gènes différents dont les loci peuvent être localisés chez l'homme par l'intermédiaire des cartes disponibles au site du NCBI. Le locus LDH-A est localisé sur le chromosome 11 en 11p15-4 alors que le locus LDH-B est sur le chromosome 12 en 12p12-2-p12-1 (le locus LDH-C est proche de LDH-A). L'alignement des séquences codantes avec Phylogène donne 39,92 % de nucléotides différents.
Les molécules de LDH séparées par électrophorèse sont des isoenzymes.

La problématique évolutive

La présence dans un même génome de 2 gènes (en réalité 3) ayant en commun un bon nombre de nucléotides à la même place et codant pour des chaînes protéiques aux propriétés catalytiques très proches, pose le problème de l'origine de ces gènes et suggère fortement une origine commune.On peut envisager qu'à l'origine de ces gènes, il y a la duplication d'un gène ancestral hypothétique. La question "Quand la duplication s'est-elle produite" est ainsi rapidement posée et amène à rechercher la présence d'une ou plusieurs LDH chez les bactéries, les végétaux....

Le modèle phylogénétique explicatif

-L'électrophorèse réalisée avec la fraction LDH de Bacillus stéarothermophilus (Eubactérie) montre une seule LDH. Le gène qui code la LDH est très ancien.On trouve également une LDH chez les cyanobactéries (travaux de Moezelaar R. et Coll. sur Microcystis).Peut-être était-il déjà présent dans le génome de procaryotes il y a 3,5 Ga.
-L'orge possède bien 2 gènes ,et ils sont fortement liés (loci très proches sur le même chromosome d'après les travaux de Hondred et Coll.), indiquant une duplication probablement assez récente du gène mais ces données ne seront pas utilisées par les élèves pour simplifier.

-Chez les vertébrés Gnathostomes il y a toujours les 5 isoenzymes mises en évidence par les électrophorèses. Le cas des Agnathes est intéressant pour la recherche mais complique fortement l'interprétation d'ensemble, il est volontairement occulté dans cette étude.Seules, les données concernant Bacillus stéaro., la carpe (Téléostéen), le poulet, le porc et l'homme sont fournies aux élèves pour une étude avec Phylogène. Les résultats du traitement des données moléculaires sont concentrés page suivante .

-L'alignement des séquences protéiques confirme la forte homologie entre toutes les chaînes.La matrice des distances montre qu'il y a plus de différences entre les chaînes M et H de l'homme
(24,9 %) qu'entre la chaîne H de l'homme et la chaîne H du poulet (10,3 %) ou qu'entre LDH-M de l'homme et LDH-M du poulet (14,9%). L'arbre met bien en évidence que les chaînes H et M se sont diversifiées indépendamment à partir de 2 gènes déjà séparés chez les Téléostéens et qui doivent résulter de la duplication d'un gène ancestral .La duplication a donc eu lieu avant l'émergence des Téléostéens que les données anatomiques et paléontologiques situent il y a environ 400 millions d'années.

-La comparaison des modèles moléculaires 3D met en évidence la conservation au cours de l'évolution d'un domaine situé près de l'extémité -NH2 terminale et qui comprend aux alentours de 143 acides aminés: c'est le domaine de fixation du NAD (ou du NADH) , coenzyme impliqué dans la réaction catalysée.Les six feuillets b et les hélices a sont toujours disposés de la même façon dans l'espace bien que la séquence correspondant à ce motif puisse présenter des acides aminés différents. IL est intéressant de noter que ce motif se rencontre également dans d'autres déshydrogénases mais pas toujours au même endroit dans la molécule (voir ADH).
Les élèves peuvent reconstituer (modèle très simplifié) les évènement importants qui rendent compte de l'existence des isoenzymes de la LDH: il y a plus de 400 millions d'années un gène LDH très ancien subit une duplication puis chaque duplicata évolue indépendamment (mutations), la pression sélective ne conservant que les innovations génétiques permettant de garder les parties "sensibles " de la molécule en particulier la structure secondaire correspondant au domaine NAD.Une transposition a également eu lieu, les loci se retrouvant chez l'homme sur des chromosomes différents. La présence des 2 gènes dont l'expression diffère suivant les organes (voir porc, lapin) permet par l'intermédiaire des performances des différentes isoenzymes d'exploiter au mieux soit un métabolisme énergétique plutôt aérobie (coeur) soit un métabolisme énergétique plutôt anaérobie (muscle squelettique).Ces gènes appartiennent à une famille multigénique.